Une standing ovation a été offerte, mardi 30 janvier, à Gérald Darmanin à l’Assemblée nationale par de nombreux députés marcheurs : n’étant pas mis en examen, il conserve la « totale confiance » du gouvernement, alors que s’ouvre l’enquête préliminaire pour des faits que la plaignante, Sophie Spatz, qualifie de viol. Dans le même temps, circule sur internet une pétition des féministes de combat, appelant à la démission du ministre.

La plaignante affirme sans rire n’avoir « aucune intention de nuire », souhaitant simplement que « les services enquêteurs puissent travailler sereinement (…) afin que justice soit rendue ». Mais le tribunal médiatique, lui, ne travaille pas vraiment dans la sérénité.

Le paradoxe est le suivant : alors que Marlène Schiappa, qui hier encore s’indignait de l’impunité des crimes sexuels en France, rappelle la présomption d’innocence, elle n’hésite pas, sur Twitter comme sur RTL, à requalifier en assassinat le meurtre d’Alexia Daval par son conjoint, alors même que la procureure de la République, Edwige Roux-Morizot, avait affirmé que la préméditation n’avait pas été retenue.

Alors que Marlène Schiappa, qui hier encore s’indignait de l’impunité des crimes sexuels en France, rappelle la présomption d’innocence dans l’affaire Darmanin, elle n’hésite pas à requalifier en assassinat le meurtre d’Alexia Daval par son conjoint.

Emportée par son élan, la secrétaire d’État s’indignait du fait que des considérations sur la personnalité de la victime aient été avancées par la défense, ce qui reviendrait à « légitimer les féminicides ». « Ce n’est pas une dispute, ce n’est pas un drame passionnel, c’est un assassinat ! », s’emportait-elle au micro de RTL le jeudi 1er février. La prétérition − « Je dis ça pour le cas général et pas pour cette affaire en particulier » − n’y change rien : la qualification du crime vient d’être revue, au point que Christophe Castaner s’en est distancié, affirmant « qu’un ministre n’a pas à commenter une affaire judiciaire ».


Alors que Marlène Schiappa, qui hier encore s’indignait de l’impunité des crimes sexuels en France,
rappelle la présomption d’innocence dans l’affaire
Darmanin,
elle n’hésite pas à requalifier en assassinat le meurtre d’Alexia Daval par son conjoint

Le soir-même, Edwige Roux-Morizot dénonçait « l’indécence » de certaines déclarations médiatiques, la violation du secret de l’instruction et l’oubli de la présomption d’innocence. Avec le mélange de sobriété et de force qui caractérise ses déclarations, elle appelait à « porter la voix de la raison au milieu de cette folie médiatique ». L’utilisation du terme de « meurtrier » − et non d’assassin − présumé, comme en écho aux propos de Marlène Schiappa, prenait ici tout son sens.

Les experts psychiatres devraient s’inquiéter et partager cette indignation : alors que la compréhension du passage à l’acte est l’un des principaux enjeux d’un procès d’assises, les accusera-t-on désormais, lorsqu’ils évoqueront une interaction fatale entre auteur et victime, de justifier le crime ? Ou encore de disculper l’auteur et de blâmer la victime ? Comme Hélène Roux-Morizot, nous souhaitons que la justice reprenne sa place et que la recherche de la vérité prenne le pas sur le militantisme.

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