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Paul Bensussan, né le 2 octobre 1957 à Mascara (Algérie), est docteur en médecine, psychiatre, expert national en France.
Issu d’une famille de tradition laïque, républicaine et humaniste, Paul Bensussan est passionné par la psychiatrie légale. Il participé à de nombreux groupes de travail, dont plusieurs à la Chancellerie. Il est régulièrement chargé de conférences à l’École Nationale de la Magistrature dans le cadre de la formation continue des magistrats. Reçu 4e au concours d’internat des hôpitaux psychiatriques de Paris, il a été accueilli et formé dans leur service par les plus grands noms de la psychiatrie française. Il a notamment été l’élève des professeurs Thérèse Lempérière, à l’origine de sa vocation pour la psychiatrie, Samuel Lajeunesse, Pierre Pichot et Daniel Widlöcher. C’est en achevant son internat chez le Professeur Brion, expert national, qu’il a été initié et sensibilisé à l’approche psycho-juridique, décidant alors de se former à l’expertise judiciaire en préparant le Diplôme d’Université de Criminologie du Professeur André Féline, au Kremlin-Bicêtre. |
Psychiatre – Expert national
“Il y a, pour toute la République, une Cour de cassation[1]”. La Cour de cassation est la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français. Elle siège à Paris et exerce sa compétence sur l’ensemble du territoire français. Sa fonction est de vérifier la conformité des décisions des tribunaux et des cours aux règles de droit. La loi du 29 juin 1971 (consolidée au 19 juin 2008) relative aux experts judiciaires [2] stipule que « les juges peuvent désigner pour procéder à des constatations, leur fournir une consultation ou réaliser une expertise, une personne figurant sur l’une des listes établies en application de l’article 2 ». Il est établi pour l’information des juges,
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L’inscription sur la « liste nationale » suppose des compétences et une notoriété professionnelle reconnues au plus haut niveau de l’Expertise Judiciaire : une très faible proportion d’experts près les Cours d’appel sont inscrits sur la liste nationale (l’effectif en 2008 était de 15 experts en Psychiatrie adulte). Paul Bensussan est expert psychiatre près la Cour d’appel de Versailles[3] depuis 1996 et expert psychiatre agréé par la Cour de cassation[4] depuis 2007. Depuis 1998, dans la sphère de la justice et de la psychiatrie française, Paul Bensussan a publié et sensibilisé ses pairs comme les magistrats à des concepts tels : les fausses allégations d’abus sexuels, la dictature de l’émotion, l’aliénation parentale, prises de position qualifiées d’avant-gardistes par ses pairs. De façon plus générale, Paul Bensussan tente de proposer des outils et de contribuer à la définition d’une méthodologie permettant d’objectiver l’approche expertale : il estime la subjectivité ou l’arbitraire souvent reprochés à l’expertise psychiatrique d’autant moins tolérables que son poids dans la procédure est considérable. |
Objectiver l’approche expertale
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Paul Bensussan défend l’idée d’une approche expertale plus objective en partant du constat selon lequel : 1) la subjectivité des experts est trop importante ; 2) les outils existants (en général anglo-saxons) ne sont pas utilisés selon la méthodologie adéquate (possédant une fidélité inter-cotateurs et test-retest), ce qui, derrière une première façade plus rigoureuse ou scientifique entraîne au final un biais supplémentaire dans l’expertise. Paul Bensussan revendique le choix d’une méthodologie clinique, la nécessité de l’expliciter dans les rapports, la possibilité de l’évaluation par les pairs par une possible confrontation d’expertises aux conclusions opposées. À l’instar des experts des pays Anglo-Saxons, il utilise par exemple dans l’analyse de la fiabilité d’un dévoilement d’abus sexuels sur mineurs, une grille de lecture qui permet de diminuer la subjectivité et d’éviter une conclusion « intuitive » : à la notion de « crédibilité » de la présumée victime, trop variable d’un investigateur à l’autre, il a de longue date préféré celle de « fiabilité » des déclarations. En intégrant dans son analyse un ensemble de paramètres (préconisés dans la grille) laissés dans l’ombre par la plupart des experts, cette approche lui permet de donner une conclusion « probabiliste » sur le dévoilement dans son ensemble, fondée sur un ensemble de critères – notamment le contexte dans lequel a surgi la révélation – et non sur le seul contenu des révélations. Cette approche se veut mesurée et laisse au magistrat toute sa liberté d’appréciation, concourant donc à une plus juste partition des rôles entre le juge et l’expert. Les conclusions de l’expert sont ainsi vérifiables ou réfutables. Toute personne concernée par l’affaire (le parent mis en cause ou celui qui accuse, le magistrat, un contre-expert) sait sur quels critères la conclusion s’appuie : celle-ci est donc contestable, critiquable et au final plus robuste et partageable avec les pairs sur la base de critères concrets. Il est plus aisé pour un juge ou un avocat de se distancier d’une conclusion s’appuyant sur un ensemble de critères exposés qu’une conclusion s’appuyant principalement sur l’expérience de l’expert, aussi respectable soit-il. |
Les fausses allégations d’abus sexuels
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Ses premières publications sur les accusations d’inceste au cours des séparations parentales témoignent d’une réflexion engagée bien avant les rebondissements de l’affaire d’Outreau. A l’heure où avocats et associations demandaient à la Chancellerie une « présomption de crédibilité » pour les mineurs victimes et où la parole de l’enfant présumé victime était sacralisée, sans prendre en considération la possibilité d’induction par un adulte proche – si fréquente dans les séparations parentales très conflictuelles- peu d’experts français osaient travailler dans le champ de ce que la littérature anglo-saxonne dénomme les « fausses allégations d’abus sexuels » (en:false allegation of child sexual abuse). L’expression anglo-saxonne apparaît la première fois dans PubMed[5] en 1986 dans un article américain (Presbyterian hosp., New York) de Green A. H. intitulé : « True and false allegations of sexual abuse in child custody disputes[6]» et qui décrivait une méthode d’évaluation de la véracité des allégations d’enfants affirmant avoir été l’objet d’abus sexuel d’un parent. Le propos était alors très sensible et les détracteurs n’avaient pas manqué de le caricaturer : il fallait « croire » (la parole de l’enfant) et donc la valider pour ne pas s’exposer aux foudres des associations les plus radicales, promptes à accuser un expert prudent de « déni » de la parole de l’enfant, voire de soutien à son abuseur. Paul Bensussan a pourtant insisté sur ce point et tel était précisément le sens du titre de son premier ouvrage, « Inceste, le piège du soupçon[7] » : dés lors qu’un abus sexuel est allégué dans une séparation conflictuelle, l’enfant est la première victime, que l’abus soit avéré ou non. S’il est habituel de dénoncer la gravité de l’inceste, il montre les ravages causés par les fausses allégations : il n’est pas anodin de grandir dans la conviction d’avoir été abusé par l’un de ses parents … si cette conviction est erronée ou induite par les craintes du parent qui accuse. Ce n’est donc pas l’abuseur présumé que l’expert préserve dans le cas d’un dévoilement jugé peu fiable, mais avant tout l’enfant présumé victime, auquel il faudra pourtant garantir ce droit élémentaire : celui de grandir en conservant un lien avec ses deux parents. La rigueur méthodologique, la prudence et la technicité … et le séisme d’Outreau ont pourtant contribué à éviter d’ériger la parole de l’enfant en vérité judiciaire[9]. Dans le domaine relatif aux « fausses allégations d’abus sexuels », il existe des échelles ou procédures anglo-saxonnes mais leur application adéquate requiert des moyens qui ne sont pas systématiquement disponibles en France, ce qui compromet l’utilisation rigoureuse de ces outils en suivant la méthodologie préconisée. La méthode la plus connue : la SVA (Statement Validity Analysis) est une procédure systématique d’évaluation de la crédibilité de signalements de mémoire, utilisée avec des témoins enfants. La SVA possède une bonne fidélité inter-juges, mais suppose une analyse de l’audition filmée du mineur victime. De surcroît, on ne peut filmer ses propres auditions : la cotation doit être faite par un autre investigateur que celui qui a conduit l’entretien. Dans ce contexte, Paul Bensussan décrit sa méthodologie en faisant référence aux travaux d’Hubert Van Gijseghem[10,12] : « L’école québécoise a montré que la validité du témoignage d’un enfant ne peut être appréciée indépendamment du contexte dans lequel se produit la « révélation » … Les spécialistes s’accordent à reconnaître que le récit du mineur peut mêler erreurs d’interprétation, fabulation, mais aussi (plus rarement) mensonge. L’enfant peut souffrir de troubles psychiques ou psychologiques ou être mis « en condition » par un adulte manipulateur – que la manipulation soit volontaire ou non. Mais surtout, il peut se mêler dans des proportions variables l’imaginaire et la réalité[11]». En étudiant l’ensemble des items (le contenu des révélations n’est que l’un de ces 6 paramètres), l’expert peut donner (cliniquement) une conclusion « probabiliste » au magistrat. C’est ainsi que dans les cas de révélations surgies au décours d’une séparation très conflictuelle, Paul Bensussan a régulièrement sollicité (et obtenu) des magistrats l’extension de sa mission au parent qui accuse, sortant ainsi de la dualité auteur/victime propre à la procédure pénale : que l’abus ait eu lieu ou non, l’audition du parent ayant recueilli les premières révélations est plus qu’intéressante : elle est selon lui nécessaire |
L’affaire d’Outreau
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Depuis lors, le docteur Bensussan a contribué à la manifestation de la vérité dans des procès sensibles, au premier rang desquels l’affaire d’Outreau. Cité par les avocats de la défense devant la Cour d’assises de Paris, il a contribué à démontrer, dans cette affaire, les lacunes méthodologiques des expertises judiciaires[13]. L’antériorité de ses prises de position est démontrée non seulement par ses publications, mais aussi par ses propos dans une interview parue dans Libération le 17 mai 2004[14], lors du procès en première instance. Dans cette interview, intitulée « Un expert analyse le témoignage des enfants », Paul Bensussan émettait une opinion critique et un sérieux doute sur la fiabilité du dévoilement alors que la France entière était encore plongée dans la thèse du réseau pédophile. Le lendemain éclatait le séisme judiciaire déclenché par la rétractation de la principale accusatrice, Myriam Badaoui. Devant le groupe de travail dirigé par Monsieur Jean-Olivier Viout[15], chargé de tirer les enseignements de l’affaire d’Outreau, il a rappelé les risques de confusion entre les notions de sincérité, véracité et crédibilité, dernier terme dont il proposait dès 1999 l’éradication de la mission de l’expert. Ses préconisations se révèleront en parfaite conformité avec le rapport du groupe de travail rendu par Monsieur Jean-Olivier Viout et publié le 8 février 2005[16] : ce rapport préconise en effet l’éradication du terme de crédibilité du vocabulaire expertal « afin d’éviter la confusion entre vérité judiciaire et vérité psychologique », position qu’il défendait en ces termes précis dans « la Dictature de l’émotion[17]« , co-écrit avec l’avocate pénaliste, Maître Florence Rault. Lors de son audition du 05 avril 2006 à l’Assemblée Nationale par la Commission d’enquête parlementaire chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire d’Outreau, Paul Bensussan souligne notamment le poids excessif de l’expert psychiatre dans le procès pénal et le rôle joué par les associations et l’idéologie dans la sacralisation de la parole des enfants, dérives dramatiquement illustrées par l’affaire d’Outreau. Le rapport remis au Garde des Sceaux le 06 juin 2006 cite à plusieurs reprises ses préconisations[9]. |
Notes et références
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