Les experts psychiatres qui ont examiné Véronique Courjault ont fermement exclu, hier à l’audience, la thèse du déni de grossesse. Devant la cour d’assises d’Indre-et-Loire, les jours qui se suivent ne se ressemblent pas. Lundi, les dépositions des deux témoins cités par la défense, le professeur Israël Nisand et la psychologue Sophie Marinopoulos, avaient marqué les esprits en faveur de la thèse du déni de grossesse. Hier, cette théorie a été entièrement mise en pièces par les rapports des experts psychiatres qui, eux, ont rencontré Véronique Courjault. Les docteurs Fanny Puel-Métivier et Jean-Michel Masson ont rencontré l’accusée à quatre reprises depuis son incarcération. « De façon constante, expliquent-ils, Véronique Courjault a toujours dit qu’elle savait qu’elle était enceinte et qu’elle avait porté des vêtements amples pour ne pas que ça se voie. Nous appelons ça un mensonge de grossesse. »
Pour ce collège d’expert, la personnalité de Véronique Courjault apparaît comme « clivée ». « D’un côté, il y a la bonne mère et la bonne épouse, expliquait le docteur Masson, de l’autre elle a une vie secrète dans laquelle elle commet ces actes qui sont en totale opposition ». Mais encore une fois, selon l’expert, « il y avait dans ces actes une grande part de conscient, elle a même réussi à persuader son mari que les tests ADN se trompaient ». Fanny Puel-Métivier a fermement fait part de sa conviction à la cour : « Il n’y a ni déni partiel ni déni total, il n’y a pas de déni du tout. D’ailleurs, Véronique Courjault était elle-même d’accord avec ça lors de nos rencontres ». Les experts psychiatres désignés lors de l’instruction n’ont guère apprécié les déclarations tonitruantes dans les médias des spécialistes du déni de grossesse.
« C’est curieux, les spécialistes qui n’ont pas examiné Mme Courjault ont tous conclu au déni de grossesse », s’étonnait ironiquement le docteur Paul Bensussan. Dans une déposition limpide, l’expert parisien a même avancé que l’évolution de l’accusée sur ce point pouvait tenir de « la stratégie de défense ».
« En octobre 2007, elle m’a indiqué que le geste infanticide qu’elle a commis était la conséquence inéluctable de la dissimulation, précisait le docteur Bensussan. Dans la dissimulation, comme dans le déni, l’entourage ne voit rien puisque la femme n’investit pas affectivement son bébé. Il y a eu un amalgame savamment entretenu sur ce point. »
Il n’en reste pas moins que pour l’expert, il faut quand même tenir compte d’une « altération du discernement ». « Elle a une incapacité à envisager l’avenir, elle est aux confins de la psychose, conclut-il. Ce n’est pas de la maladie mentale mais il faut le prendre en compte. » Sa déposition a été tellement convaincante que la défense elle-même a dû le reconnaître. « Nous n’avons jamais parlé de déni de grossesse, affirmait même Me Henri Leclerc. D’ailleurs, nous n’avons pas l’intention de demander l’acquittement. »