logoParisien-292x75DOCTEUR PAUL BENSUSSAN, le psychiatre qui l’a expertisée
Le Parisien | 17 Juin 2009, 07h00

Les experts du jour contrastent avec le remarquable consensus affiché la veille. Ils présentent toutefois le sérieux avantage d’avoir exploré personnellement la personnalité de Véronique Courjault. Et, à l’inverse des éminents spécialistes qui ont tenu la vedette lundi devant la cour d’assises d’Indre-et-Loire, eux se méfient des affirmations péremptoires tant les crimes de cette mère infanticide renvoient à des failles obscures.

« Pas une seule hypothèse n’est à même de rendre compte de la complexité de cette affaire », reconnaît le psychiatre Paul Bensussan, qui a procédé à la contre-expertise de l’accusée. Il n’affiche qu’une certitude : « Il ne faut pas regarder ce crime avec nos yeux. Véronique Courjault n’est pas construite sur le même modèle que nous. » Elle s’est trouvée face à un « vide vertigineux » quand le psychiatre l’a invitée à expliquer les meurtres de ses trois nouveau-nés. Avant de recourir à « cette explication magique » du déni de grossesse, dont elle parle depuis lors « comme dans les livres ».

« Elle savait qu’elle allait dans le mur »

Le docteur Bensussan n’y croit pas, fustigeant les certitudes des témoins cités la veille à la barre. « Véronique Courjault a dissimulé ses grossesses plus qu’elle ne les a déniées », assure-t-il. Les docteurs Puel-Métivier et Masson, auteurs de la première expertise psychiatrique, s’en rapportent plus souvent à des hypothèses qu’à des certitudes. Mais eux aussi rejettent la thèse du déni de grossesse au motif que « M m e Courjault avait conscience qu’elle était enceinte ». Ils parlent de « clivage » chez cette femme qui entretient une « culture du secret » dont elle « pourrait tirer satisfaction ».
Déni, dénégation, dissimulation, mensonge, clivage. De son propre aveu, l’avocat général « patauge ». D’autant que les deux coexperts n’affichent plus la même unanimité à la barre. Les propos du docteur Bensussan, s’ils ont le mérite de la clarté, rajoutent à la confusion. Car contrairement à ses confrères Puel-Métivier et Masson qui l’ont jugée « totalement responsable », lui conclut à l’atténuation de la responsabilité de Véronique Courjault. « Elle est aux confins de la psychose, justifie-t-il. Ses mécanismes de défense sont à ce point archaïques que sa responsabilité pénale ne peut être pleine et entière. » S’il balaye l’idée d’un déni de grossesse, qu’il assimile à une stratégie de défense, le psychiatre n’accable pas pour autant cette mère de famille qui demeure impassible dans le box des accusés : « Elle savait qu’elle allait dans le mur, que l’infanticide était la conséquence logique et inévitable de la dissimulation de ses grossesses. Mais sans qu’il y ait préméditation pour autant. Elle était incapable d’anticiper l’avenir. »
Selon lui, Véronique Courjault est « tout sauf une folle ou un monstre ». « Ce qui s’est passé, elle ne l’a pas voulu », assène-t-il en réponse à l’avocat général Philippe Varin qui lui demande d’évaluer le « degré d’altération de la responsabilité » de l’accusée. « Moyen, conclut le docteur Bensussan. Ce n’est pas le mensonge que l’on punit en cour d’assises. » Véronique Courjault encourt la perpétuité. L’avocat général, dont le réquisitoire est attendu cet après-midi, ne demandera pas la « peine la plus forte » mais « la plus juste ».