L’affaire de Sarah Halimi a ému la France entière. Au mois d’avril 2017, cette sexagénaire juive fut rouée de coups, avant d’être défenestrée par son jeune voisin de 27 ans. Reconnaissant les faits tout en assurant avoir « vu le démon », le meurtrier, africain de confession musulmane, sera immédiatement interné en hôpital psychiatrique.

Trois collèges d’experts se sont succédé dans ce dossier sensible. Si tous s’accordent à dire que le sujet était délirant au moment des faits, la question de la responsabilité pénale les divise : son discernement était-il seulement altéré (responsabilité atténuée) ou aboli (irresponsabilité pénale) ? 

De façon moins habituelle, la question de l’antisémitisme dans le passage à l’acte est au centre des débats. Ce crime devait-il, ou non, être qualifié d’antisémite, circonstance aggravante selon le Code pénal ? La virulence des milieux associatifs et des avocats des parties civiles, tout comme les hésitations juridiques quant à la qualification des faits, ont donné fort à faire aux experts lors du procès, pour tenter de dépassionner le débat et en garantir le niveau scientifique. À l’audience devant la Chambre de l’instruction, Paul Bensussan représentait son collège et soutenait la notion d’irresponsabilité pénale du meurtrier, tout en estimant que le caractère antisémite était clairement démontré. Autrement dit, que folie et antisémitisme n’étaient pas incompatibles, comme l’affirmait le Grand Rabbin de France.

L’arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la Chambre de l’Instruction retenait naturellement la culpabilité du sujet, ainsi que le caractère antisémite de son acte, mais le considérait comme pénalement irresponsable en raison des troubles psychiatriques, ce qui suscitera des réactions en haut lieu, du Grand Rabbin de France au Président de la République, « comprenant le besoin de procès » de la famille de la victime.

Le pourvoi en cassation formé par les parties civiles sera rejeté par la Cour de cassation dont l’arrêt, rendu le 14 avril 2021, confirmera l’irresponsabilité pénale de Kobilii Traoré, mais aussi le caractère antisémite de son acte. Sans parvenir, cependant, à endiguer l’émotion nationale, en particulier de la communauté juive, la voix de Haïm Korsia, Grand Rabbin de France, parlant même de « scandale judiciaire ». Dans une longue interview parue le 19 avril 2021 l’hebdomadaire Marianne, Paul Bensussan revenait, avec pédagogie, sur les enjeux techniques, médico-légaux, mais aussi sociétaux soulevés par cette affaire bouleversante.